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9 janvier 2012 1 09 /01 /janvier /2012 13:52

Salam alaykum

L'islam, qui entend tenir compte des différentes facettes de la nature humaine, a pris en compte la nécessité qu'ont les hommes de se divertir. Le Prophète Muhammad (sur lui la paix) savait qu'à faire les choses de façon excessive sans jamais prendre du repos, on finit par se lasser. Et il a voulu éviter cela aux hommes et aux femmes qui le suivent.

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Ainsi, alors que Zaynab avait tendu une corde entre deux piliers de la mosquée afin de s'y accrocher et de lutter ainsi contre le sommeil lors des prières facultatives qu'elle faisait la nuit, le Prophète dit :

"Défaites-la [= la corde]. Que chacun parmi vous prie pendant qu'il est en forme. Puis, quand la torpeur le gagne, qu'il dorme" (rapporté par al-Bukhârî et Muslim). Une autre fois il a dit : "… Dieu ne se lasse pas [de vous récompenser], sauf si vous vous lassez [de l'adorer]" (rapporté par al-Bukhârî et Muslim).

Ne pas se lasser demande justement qu'on ait une vie équilibrée :  

"Un temps et un temps", avait dit le Prophète (rapporté par Muslim)

C'est-à-dire un temps pour les choses purement cultuelles (prières, invocations, souvenir, récitation du Coran, etc.), et un temps pour les choses de la vie (accomplies bien sûr elles aussi en tenant compte des principes voulus).

Pour l'enseignement et le rappel des choses de l'islam, le Prophète a laissé également le modèle du juste milieu : Abdullâh ibn Mas'ûd raconte :

"Le Prophète choisissait des jours pour nous faire le rappel ("al-maw'iza"), de crainte que nous éprouvions ensuite de la lassitude" (rapporté par al-Bukhârî, 70, Muslim, 2821).

Le Compagnon Abdullâh ibn Abbâs avait fait quant à lui cette sage recommandation à son élève 'Ik'rima :

"Fais aux gens le rappel chaque vendredi, ou deux fois par semaine, ou trois fois par semaine, et ne les amène pas à être lassés de ce Coran. Et que je ne te voie jamais te rendre auprès de gens occupés à parler, te mettre alors à leur faire le rappel après avoir interrompu leur conversation et les amener ainsi à être lassés [de l'islam et de ses enseignements]. Dans pareil cas, reste silencieux. S'ils te le demandent, fais-leur le rappel, qu'ils auront alors l'envie d'écouter…" (rapporté par al-Bukhârî, 5978).

C'est pourquoi il faut se ménager de temps en temps des petits moments pour se détendre, se divertir, etc., que l'on prenne cette détente seul(e) ou en famille, etc.


Des textes parlant de divertissements :

Etant donné que les jeux et le divertissement relèvent de ce qui n'est pas purement cultuel, la règle première est à leur sujet la permission ("al-ibâha"), même s'il s'agit d'un jeu et d'une forme de détente que n'ont pas pratiquée le Prophète et ses Compagnons.

Cependant, les enseignements de l'islam étant englobants ("shâmil"), des principes existent qui offrent des limites éthiques et une orientation à ce sujet également.

Ainsi, "le Prophète (sur lui la paix) a interdit le "khadhf", un jeu qui était pratiqué à son époque et qui consistait à projeter un caillou avec ses doigts. Le Prophète a expliqué cette interdiction ainsi : "Cela ne sert pas à chasser et ne permet pas de se défendre contre un ennemi" (c'est le sens approchant des termes qu'il a utilisés). "Cela peut, a-t-il ajouté, casser une dent ou crever un œil" (rapporté par al-Bukhârî, 5162, Muslim, 1954).

Il y a de même des hadîths authentiques où le Prophète parle du jeu "nard" ou "nardshîr" comme étant quelque chose à éviter absolument : le hadîth rapporté par Muslim sur le sujet se lit ainsi :

"Celui qui joue au nard a désobéi à Dieu et à Son Messager" (Muslim, 2260) ; voir aussi le hadîth rapporté par Abû Dâoûd (4938).

Les dictionnaires traduisent le mot par "trictac", un jeu qui se joue sur un tableau spécial avec des dames et des dés.

Par contre, d'autres types de divertissements ont été recommandés par le Prophète (sur lui la paix). Ce dernier a ainsi dit :

"Tout ce par quoi le musulman se divertit est bâtil, sauf le fait qu'il tire à l'arc, qu'il entraîne son cheval, ou qu'il joue avec son épouse : ces (actions) relèvent du haqq" (at-Tirmidhî 1637) ;

"Toute chose qui ne relève pas du dhikr est laghw, sauf quatre (choses) : le fait que l'homme marche entre deux objectifs, le fait qu'il entraîne son cheval, le fait qu'il joue avec son épouse, et le fait qu'il apprenne la natation (Silsilat ul-ahâdîth as-sahîhah, n° 315).

D'autres hadîths montrent le Prophète a participé à une compétition de tir à l'arc avec des gens de Médine (rapporté par al-Bukhârî). D'autres le montrent ayant organisé des courses de chevaux (rapporté par al-Bukhârî etc.) (bien sûr sans argent mis en jeu). D'autres encore le montrent faisant une course à pied avec son épouse (rapporté par Abû Dâoûd).

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De ces textes ("nussûs"), des ulémas ont extrait les principes suivants :

 

1) Est interdit :

 tout divertissement qui constitue quelque chose qui est déjà, en soi, interdit en islam (comme les concerts de danse, de chants et/ou de musique interdits ; ou comme les combats organisés entre animaux. De même, est interdit tout divertissement qui, bien qu'en soi autorisé, est fait avec l'accompagnement de quelque chose qui, lui, est interdit (comme la musique ; la présence de nudité ; la présence d'argent offert à celui qui gagnera et qui relève d'un cas qui n'est pas autorisé )

.

2) Le cas du "nard" (trictrac) : Pourquoi le Prophète l'a-t-il interdit ? Est-ce que le jeu d'échecs lui est comparable ?

Quelle est la propriété (wasf) qui est présente dans ce trictrac et qui a été le principe motivant ('illa) son interdiction ?
Pour certains ulémas shafi'ites, l'interdiction du trictrac relève uniquement du cas où il est joué avec une mise d'argent ; sinon il reste en soi autorisé. Cet avis semble être partagé par az-Zuhaylî, qui écrit : "Mais en réalité, l'interdiction du trictrac est due au fait qu'il est le jeu qui servait de support, chez les gens de la Perse, à la mise d'argent" (Al-Fiqh ul-islâmî wa adillatuh, tome 4 p. 2663).
Pour la grande majorité des ulémas, cependant, le hadîth concerne le trictrac en tant que tel, qui est donc à délaisser systématiquement. Parmi eux, ensuite :
--- al-Marwazî est d'avis que ce jeu est déconseillé (mak'rûh) ;
--- la majorité des ulémas sont d'avis que cela est interdit.

Pourquoi donc cette règle retenue par la grande majorité des ulémas au sujet du trictrac ?
Les avis sont divergents sur le sujet, et on peut comprendre cette divergence par le biais de la divergence d'avis existant à propos du jeu d'échecs. 
Certains ulémas comme Abû Hanîfa et Ahmad sont d'avis que le jeu d'échecs est similaire au trictrac dans la mesure où il est tel qu'il devient rapidement un passe-temps dont on ne peut plus se passer – as-sadd 'an dhikr-illâh wa 'ani-s-salât – : c'est ce qui explique que l'islam l'ait interdit ; selon ces ulémas, le trictrac est donc interdit parce qu'il est un passe-temps qui rend rapidement la personne accro.
D'autres ulémas, shafi'ites, sont d'avis que le trictrac est interdit parce que n'y entre en jeu que le hasard des dés et qu'il s'agit donc d'un jeu qui ne sert pratiquement à rien ; le cas des échecs est cependant différent car ceux-ci font appel à la réflexion et ils restent donc dans le cadre de la permission originelle (dans la mesure où celui qui y joue ne manque pas à ses devoirs ; ni vis-à-vis de Dieu ni vis-à-vis des hommes) (voir Al-Mughnî, tome 14 pp. 49-52 ; Fatâwâ mu'âssira, tome 2 pp. 458-477).
Dès lors, selon les écoles hanafite et hanbalite, est à délaisser systématiquement (mutlaqan) tout divertissement qui, à l'instar du trictrac et des échecs, est susceptible de créer une passion chez celui qui y joue (alors même qu'il n'entre pas dans le cadre du cas 3, que nous allons voir plus bas). Par contre, selon ces savants shafi'ites, est à délaisser systématiquement (mutlaqan) tout divertissement qui n'apporte quasiment rien d'autre que le divertissement et est donc une pure perte de temps : aussi le trictrac est-il interdit mais pas les échecs, car ceux-ci sont fondés sur la réflexion.

 

3) Est recommandé :

le divertissement qui rend possible de réaliser un objectif reconnu par l'islam. C'est le cas du tir à l'arc, de la marche, de l'équitation et de la natation, et également de la détente avec sa famille : ils s'agit là de divertissements qui contribuent à permettre la réalisation d'objectifs reconnus par l'islam. Des ulémas ont classé dans cette catégorie d'autres types de divertissements (voir par exemple Halâl-o-harâm, Khâlid Saïfullâh, pp. 241-242). 
Il est cependant nécessaire que la pratique d'un tel divertissement ne comprenne aucune autre chose interdite par l'islam, et qu'il ne relève donc pas de ce qui a été exposé plus haut en 1. Il est également nécessaire qu'on ne donne pas à la pratique de ces divertissements une place trop importante dans sa vie (nous y reviendrons plus bas).

 

4) Est interdit :

tout divertissement où aucun des trois premiers principes (ni le 1, ni le 2 selon les interprétations divergentes, ni le 3) n'est présent, mais qui, à l'instar du "khadhf", comporte un risque physique conséquent. An-Nawawî écrit ainsi : "Fî hâdha-l-hadîth : an-nah'yu 'an il-khadhf, li annahû lâ maslahata fîhi, wa yukhâfu mafsadatuh ; wa yultahaqu bihî : kullu mâ shârakahû fî hâdhâ. Wa fîhi anna kulla mâ kâna fîhi maslahatun aw hâjatun (...) fa huwa jâ'ïz" (Shar'h Muslim sur 1954).
(Au cas où l'activité physique permet de réaliser un objectif reconnu par l'islam (soit le cas 3, ce qui n'est pas le cas du khadhf, comme le Prophète l'a exposé : "Cela ne sert pas à chasser et ne permet pas de se défendre contre un ennemi") mais comporte aussi un risque, il s'agira pour le muftî de soupeser la maslaha et la mafsada et de donner une fatwa en conséquence.)

 

5) Restent les divertissements où aucun des trois premiers principes n'est présent (ni le 1, ni le 2 selon les interprétations divergentes, ni le 4), et qui ne relèvent pas non plus du cas n° 3 :

Par exemple, flâner dans des jardins ; passer du temps à écouter le chant des oiseaux ;
Pour ath-Thânwî, tout divertissement de ce genre est en soi légèrement déconseillé (khilâf ul-awlâ) (Bayân ul-qur'ân 9/18) ; ce qui n'empêche donc pas qu'ils demeurent dans l'"autorisé" (jâ'ïz) ;
Pour ash-Shâtibî, tout divertissement de ce type 5 reste purement autorisé (mubâh) lorsque fait ponctuellement, mais devient déconseillé lorsque fait de façon abondante, car faisant perdre à l'homme de son temps alors qu'il pourrait consacrer celui-ci à quelque chose d'important (Al-Muwâfaqât 1/111, 115, 2/204).
Ces deux avis peuvent s'appuyer sur les termes "bâtil" et "laghw" présents dans les hadîths plus haut mentionnés.

Tout divertissement peut être évalué à la lumière de ces principes.

 

Alors, quelle place pour le divertissement dans la vie ?

Même en ce qui concerne un jeu qui est en soi autorisé (mubâh ou jâ'ïz) ou recommandé (mustahabb), l'éthique islamique demande qu'on ne s'y adonne pas au point d'en devenir "dépendant" ou de manquer à ses obligations vis-à-vis de Dieu et des gens.

L'islam enseigne qu'il s'agit de se détendre, mais avec l'objectif de pouvoir à nouveau se consacrer avec énergie à l'objectif de sa vie (rendre un culte à Dieu et aider les hommes dans la justice et la fraternité). Et non de vivre et de travailler avec l'objectif de se détendre et de prélasser, et d'instituer ainsi peu à peu une société du divertissement et du loisir. Dieu dit :

"Dis [ô Muhammad] : "Ma prière et mes actes de dévotion, ma vie et ma mort sont pour Dieu le Seigneur de l'univers, qui n'a pas d'associé. C'est ce qui m'a été ordonné et je suis le premier de ceux qui se soumettent"" (Coran 6/162-163).

"Tout divertissement qui détourne de l'obéissance à Dieu est mauvais" (Sahîh ul-Bukhârî, kitâb ul-isti'dhân, bâb 52),

et aussi : "Du fait qu'il est mauvais que la poésie domine [= occupe excessivement] l'homme au point de l'empêcher de penser à Dieu, d'acquérir la connaissance et de lire le Coran" (kitâb ul-adab, bâb 92).

Lorsqu'une personne laisse un divertissement prendre en elle une telle place, ce divertissement se met à occuper une partie importante de son esprit, au point qu'elle n'éprouve ensuite plus de goût dans la prière (salât), la lecture du Coran, l'invocation (du'â) et le rappel (dhikr) ; parfois, elle néglige également son travail et délaisse une bonne partie de ses devoirs vis-à-vis de sa famille. C'est pour éviter cela que le musulman et la musulmane entendent intégrer les jeux et divertissements qu'ils pratiquent à la vision globale qu'ils ont de la vie.

Ici je voudrais préciser que si, sans manquer à ses devoirs vis-à-vis de Dieu (salawât, dhikr, da'wa) et vis-à-vis des hommes (devoirs envers sa famille, les démunis, etc.), on pratique un divertissement qui est en soi autorisé, celui-ci reste permis (mubâh) et ne nous apportera ni péché ni récompense de la part de Dieu. Mais si on pratique ce divertissement purement autorisé (mubâh) avec l'intention, présente dans son cœur, de "se détendre le corps et se divertir l'esprit" afin de pouvoir ensuite être à nouveau en forme pour s'adonner à l'objectif de la vie, alors on sera (s'il plaît à Dieu) récompensé pour cela aussi (Fatâwâ mu'âssira 2/472)
Et c'est bien ce que les Compagnons du Prophète nous ont laissé comme modèle. Abu-d-Dardâ (que Dieu l'agrée) disait ainsi :

"Je me détends en faisant quelque chose qui relève du futile (bâtil) [mais qui est en soi licite] afin d'avoir ensuite la force de faire ce qu'il faut" (MF 28/368)

. Mu'adh avait dit pour sa part à Abû Mûssâ :  

"Je dors la première partie de la nuit. Puis, ayant ainsi rempli ma part de sommeil, je me lève, et je récite ce que Dieu a écrit pour moi. J'espère ainsi la récompense divine pour mon sommeil comme j'espère la récompense divine pour ma récitation" (rapporté par al-Bukhârî, 4086, Muslim, 1824).


Synthèse :

Nous humains avons parfois besoin de nous divertir pour détendre notre esprit et notre corps. L'islam reconnaît ce besoin, tout en enseignant qu'il s'agit de le faire en restant dans un cadre éthique ; et qu'il ne s'agit pas de faire du divertissement et du plaisir l'objectif premier de sa vie, mais de le faire avec l'objectif de vivre sereinement et de pouvoir ainsi remplir l'objectif de sa vie : aimer Dieu, L'adorer, et aider les hommes dans le cadre de la justice et de la fraternité.

Wallâhu A'lam

Article tiré du site: La Maison de l'Islam 

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